Janvier 2009
by lara.kapsikis - janvier 22nd, 200922 Janvier 2009
Enfin quelques nouvelles après ce long silence pour l’association!
Ici la modernité a fait, sans conteste, son nid. On trouve vraiment tout et on a accès à presque tout, comme en France. Bon la différence est que souvent ce n’est pas de la grande qualité (toujours des produits chinois et nigérians) donc ça fonctionne moins bien, ça ne dure pas dans le temps et ça reste cher puisque encore peu développé. Mais je me rends bien compte que pour certaines choses, la vie à quand même sacrément évoluer au Cameroun. On le constate principalement sur le plan matériel, mais en réalité, le fond du fond est que les gens vivent toujours à peu près de la même façon, surtout dans les villages, avec quand même un brin de modernité en plus dans les villes. Souvent, les familles n’ont pas les moyens de se payer tous ces nouveaux apparats venus de France, de Chine et d’ailleurs qui dévalent sur le marché à des prix extrêmement élevés au vu des bourses de la plupart des habitants! Malgré tout, ça leur fait envie et ils font parfois beaucoup de concessions pour pouvoir s’acheter ces appareils derniers cris (qu’ils voient aussi dans les pubs à la télé), alors qu’ils ont parfois tout juste de quoi se nourrir. La jeunesse en particulier est vraiment en train de « glisser » vers le modèle de consommation occidental. Ils veulent avoir de plus en plus de choses, s’habillent de plus en plus « à la mode » (qui n’est pas de chez eux) pour laisser de côté le pagne traditionnel, adorent la musique Française et Américaine et suivent avec intérêt les feuilletons américains et cubains qui passent tous les jours à la télé.
Côté santé, ça va déjà beaucoup mieux depuis la semaine dernière. Le palud est terminé…juste un peu de fatigue mais rien de bien grave. J’ai repris le travail et les idées fusent en ce moment, alors je suis ravie! Je suis très motivée depuis quelques temps parce que je vois que les choses bougent un peu, que Dieudonné y met du sien. J’ai probablement aussi trouvé mon rythme de croisière. C’est comme pour tout, il faut du temps pour rentrer dans le feu de l’action et bien comprendre comment les gens et les choses fonctionnent ailleurs. Surtout ici, c’est tellement différent…
Jusqu’à présent, je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de visiter le pays, ni même l’extrême-Nord. Le week-end passe très vite, je me repose, parfois je travaille aussi un peu le Samedi. La seule fois où j’aurais pu voyager avec Dassé et visiter l’Extrême-Nord, ça a été annulé faute de place. Et là, je viens encore de « louper » Kribi. Apparemment, pour l’instant, ma destinée n’est pas de voyager mais bien de rester sur place. C’est sûrement que de bonnes choses nous retiennent ici, j’espère pour le projet. Et non, je n’ai pas perdu mes convictions, bien au contraire. Je suis toujours persuadée que dans la vie, rien n’est fait par hasard. Alors il faut seulement laisser les choses se faire tranquillement, faire confiance et se laisser guider! J’ai l’intime conviction que nous allons réussir à réaliser de bonnes choses, mais il faudra du temps et beaucoup d’énergie. Je reste donc patiente, sereine et réaliste. Il faut garder les deux pieds sur terre pour nous préparer à d’éventuelles difficultés à venir. Mais je garde beaucoup d’espoir et une totale motivation, croyez-moi!
Avec mon palud, j’ai donc changé de programme. J’ai décidé de retourner à Douroum, la semaine prochaine, où les villageois m’attendent avec impatience. Je pense que nous allons pouvoir commencer à réfléchir à des activités génératrices de revenus avec les femmes et voir de quelle façon cela serait réalisable et si ce sera fiable, surtout! Les femmes avaient l’air très motivées la dernière fois, je verrai ce qu’il en ait à présent. En tout cas, j’ai déjà pensé à la possibilité de mettre en place « un fond AGR » c’est à dire une caisse communautaire de prêts pour les activités génératrices de revenus. Après analyse de la fiabilité des projets économiques, nous pourrions mettre à disposition de groupements et individuels, qui souhaitent démarrer une activité complémentaire, une somme d’argent. Selon les besoins et les disponibilités, ils pourraient ainsi payer les frais divers en complétant leurs cotisations à l’aide de ce fond AGR. Ils pourraient notamment acheter le matériel nécessaire pour démarrer leur activité. En contrepartie, il leur serait demandé de rembourser la somme avec un petit intérêt, faible bien sûr, mais suffisant pour permettre à terme, de réaliser des projets ou actions communautaires plus importants en lien avec ces activités, par exemple : permettre à des artisans de partir se former dans un domaine précis (sculpture, poterie, etc..), construire une petite boutique d’exposition ou de vente pour promouvoir leurs produits, acheter des outils plus coûteux pour réaliser des pièces particulières…
J’en ai parlé avec Dieudonné, il trouve ça intéressant. Par contre, il a bien insisté sur le fait qu’il était essentiel de contrôler la fiabilité des activités et réalisations avant de faire des prêts pour
éviter que les villageois ne s’embarquent des projets qui risqueraient, à terme, de ne pas marcher et ce pour éviter aussi de gaspiller de l’argent. Je suis entièrement d’accord avec lui sur ce point. La qualité et la fiabilité sont primordiales. C’est vrai que les touristes sont vigilant à ce que le travail soit bien fait, de façon artisanale le plus possible et ce qui peut leur être utile ou qui trouve vraiment sa place dans leur intérieur. On en revient à ce que tu disais sur les produits de commerce équitable qui s’écoulent mal. Aujourd’hui les gens n’ont plus d’argent à dépenser dans n’importe quelle babiole décorative. Ils n’achètent que ce qui leur plaît vraiment, ce qui est un peu original et qui a du goût. Donc, il faudra que les villageois fassent preuve de créativité pour séduire la clientèle potentielle. On est là pour les guider et leur donner des idées bien sûr!!
Bref, mon souhait est que nous puissions aller vers ce type de réalisations. Je croise les doigts pour qu’il y ait de la motivation et de la persévérance dans les villages et une prise d’initiatives réelle de la part de l’équipe. C’est le seul moyen pour que pour que ça fonctionne. Seuls, les villageois ont du mal à se prendre en main et à se lancer dans des projets. Ils ne savent pas comment s’y prendre
pour que ça dure dans le temps alors souvent ils commencent des activités et laissent tomber peu de temps après…
Autre chose importante: j’ai parlé longtemps hier avec Dieudonné. Je voulais mettre les choses au point par rapport au projet de sensibilisation à l’environnement et aux actions que nous souhaitons
mener à Rhumsiki avec l’argent récolté par les écoles. Il m’a dit que vous pouviez faire parvenir l’argent dès maintenant et que le plus tôt sera le mieux pour démarrer les actions sur le terrain.
J’irai donc avec lui acheter les fûts à Maroua. Nous les donnerons à un ferrailleur afin qu’il les coupe et pose des pieds pour en faire des poubelles (ce sont des fûts en métal). Ensuite, nous nous rendrons sur le terrain en plusieurs fois (les poubelles seront lourdes et on ne pourra pas tout amener d’un coup!). Nous en profiterons pour faire de la sensibilisation auprès de la population et nous chercherons une équipe chargée de veiller à la bonne marche du projet, de s’assurer de la propreté du village et de l’entretien des aménagements. Elle aura aussi un rôle important de sensibilisation auprès des villageois. On essayera de les former à cela et pour qu’ils soient en mesure d’en parler aux enfants dans les écoles, par exemple et de répondre aux questions des uns et des autres.
Concernant le « devenir » des déchets, comme le demande le bureau de l’association :
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Pour les déchets plastiques (c’est à dire 90 % des déchets à Rhumsiki), nous allons faire appel à une société de Garoua « le centre technique » qui transforme les plastiques en briques (grâce à un mélange avec du sable). Ils pourraient venir récupérer de temps en temps les poubelles pour le plastique dans le village. Dieudonné dit qu’une fois « le grand ménage » fait sur place, les déchets ne s’accumuleront pas vite. Il n’y a pas tant que ça de déchets, en réalité, mais comme ils n’ont jamais été ramassés, l’effet est impressionnant! Après, si chacun fait un effort pour mettre régulièrement ses plastiques à la poubelle, surtout au niveau du marché, tout ira déjà beaucoup mieux.
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Pour les conserves et boîtes métalliques (il y en a aussi un peu), nous pensons faire du « deux en un »: c’est l’occasion de proposer aux villageois une nouvelle activité génératrice de revenus grâce à la transformation des conserves en objets décoratifs! Je me souviens des pièces réalisées par des artisans malgaches au salon du commerce équitable de Lorient. On en a aussi vu ailleurs, c’est assez commun. Ce sont de petites voitures, vélo et autres objets
réalisés à partir de cannettes de coca et autres boissons. Dieudonné sait qu’il y a des artistes au Mali et au Sénégal qui réalisent ce genre de choses. Si besoin, ça vaudrait le coup de payer une formation à un ou deux villageois pour qu’ils puissent aller se former directement sur place (ça se fait beaucoup ici). Ensuite, ils pourraient eux-mêmes former d’autres villageois à cette activité. Ainsi, on nettoie le village de ses déchets polluants et on en fait de
vraies oeuvres d’art. Pas mal, n’est-ce pas ? Bon, ce ne sont que des suggestions pour le moment mais je trouve qu’avec le temps, de bonnes idées commencent à se dégager tant sur le plan touristique du projet, qu’économique et écologique. Ça devient passionnant!! Pourvu qu’on puisse concrétiser au moins quelques unes de ces idées… -
Enfin, pour les déchets biodégradables (peaux de bananes et oranges), il y en a très peu puisque les chèvres se chargent bien de les manger ! Donc, c’est un problème résolu…
Suite à la mise en place des poubelles et à la journée de sensibilisation que nous avons prévu d’organiser par la même occasion, nous inviterons les collectivités locales, les délégations du tourisme et de l’environnement, les maires des autres communes, etc.. afin qu’ils puissent constater les réalisations effectuées. Notre souhait est que cela leur donne envie de faire pareil pour leurs communes et pour Maroua. Il y en a grand besoin ! Nous essayerons, si cela est possible, de passer des messages radio pour promouvoir cette action sur l’Extrême-Nord, si ça ne coûte pas trop cher ! En plus des affiches de sensibilisation pour la ville de Maroua que j’ai réalisé, ce serait l’occasion de mieux faire passer le message. Il faut que nous demandions d’abord l’accord et l’aide financière de la délégation pour placarder les affiches et passer à la radio. C’est une autre paire de manche… Comme ils n’ont quasiment pas de budget, ça risque d’être compliqué. On verra avec le temps.