Découverte de Maroua
by lara.kapsikis - septembre 1st, 2008.Filed under: Non classé.
Maroua, 1er Septembre 2008
Chers amis et membres de Lara-Kapsikis,
Trois semaines se sont écoulées depuis que j’ai quitté la France. Le temps est donc venu de vous parler de mes premières impressions et découvertes à Maroua et de vous faire un compte-rendu des informations que j’ai pu réunir jusque-là concernant la situation actuelle dans les deux villages où nous allons intervenir: Douroum et Rhumsiki, tous deux situés dans la région des kapsikis, à l’ouest de l’extrême-nord Cameroun.
Découverte de Maroua
Entourée de collines verdoyantes, en cette saison, et coupée en deux par le Mayo (le fleuve est complètement asséché en saison sèche), Maroua est une ville très agréable et cosmopolite. Elle est peuplée en majorité par les foulbés, les bororo et les arabes choa. Une grande majorité de la population est musulmane d’où la présence de nombreuses mosquées, mais on retrouve aussi des chrétiens et des animistes (originaires des villages de brousse). L’habitat local est moins précaire que dans le sud même si les familles vivent parfois à 10 dans 45m carrés.
L’arrivée d’une blanche dans la ville reste en tous cas un phénomène surtout sur le marché de Maroua où il est difficile d’avancer sans être constamment interpellée par les commerçants avides de vendre leurs merveilles! Il est vrai que de se promener dans le marché central c’est comme rentrer dans la caverne d’Ali Baba.
Tant de choses à voir dans de si petites échoppes. On peut trouver sur les mêmes étagères des brosses à cheveux, un radio-réveil, un sac ou un pagne à l’effigie de Paul Biya. Le marché est aussi le rendez-vous de plusieurs artisans de la région regroupés par catégories: maroquiniers, vendeurs de calebasses, tisserands,etc… Originaires des villages de tout l’extrême nord, voire parfois des pays voisins, ils parcourent des kilomètres pour venir vendre leurs objets à Maroua (lieu de convergence pour le commerce entre le Tchad, le Cameroun, le Nigéria et le Centrafrique). En plus du marché central, il y a aussi le marché des légumes (le lieu regorge de fruits et légumes colorés et variés et d’un nombre d’épices incalculable), le marché de l’artisanat, le musée d’art local et le marché des femmes, le dimanche matin… l’un de mes endroits préférés.
En soirée, l’animation de la ville a lieu principalement sur le boulevard du renouveau. L’ambiance commence vers 18h30, lorsque la nuit commence à tomber (la nuit tombe très vite ici) et s’étire jusque tard dans la nuit: restaurants, bars, discothèques… En réalité, à Maroua, les gens se lèvent très tôt et se couchent très tard. Durant la saison des pluies, la fraîcheur tombe un peu en soirée, ce qui est vraiment appréciable car la température dans la journée reste quand même élevée… Le climat est chaud et humide. Depuis quelques jours, on commence à sentir un changement. Le temps devient plus sec et plus lourd. Le soleil tape fort dans la journée et des orages craquent assez régulièrement.
Dans les rues, c’est l’ambiance assurée toute la journée. On ne s’ennuie jamais! On passe d’une situation comique à une autre: un âne qui traverse la route, complètement affolé, poursuivi par le gardien du troupeau qui tente en vain de le rattraper, des motos-taxis qui circulent dans tous les sens pour éviter les trous creusés par les camions au beau milieu de la chaussée (certains pouvant mesurer jusqu’à 1m de large), des poules accrochées la tête à l’envers des deux côtés du guidon sur un vélo sans selle et rafistolé de tous bords (le secret pour conduire un tel vélo: s’asseoir sur le porte-bagages et avoir les bras longs!) . Ici, la moto-taxi remplace les voitures (taxis) que l’on peut trouver à Yaoundé par exemple. La moto est vraiment le moyen de transport local. Seul, à deux, à trois, avec des bagages ou du matériel à transporter (un matelas, des seaux, des planches de bois ou une chèvre!), cela ne pose aucun problème au conducteur!!! Il ne refusera jamais de vous prendre. Tout est possible, il suffit de bien s’organiser… Et c’est une vraie philosophie de vie ici. Par contre, si vous souhaitez prendre une moto-taxi à l’heure de la prière, à 6h30, les choses se compliquent. Les conducteurs ne vous voient même plus, ils filent à toute allure vers la mosquée la plus proche et dans le cas où ils transportent un voyageur, la prière peut même commencer sur la moto… Rigueur oblige!!
La vie à Maroua se déroule principalement à l’extérieur. Les gens discutent sur le bord de la route, tout en vendant toutes sortes de mets fait maison, pour alimenter un peu les revenus de la famille: bananes, arachides, gâteaux, poissons grillés, beignets…. Les odeurs se diffusent un peu partout pour le meilleur comme pour le pire! Beaucoup de femmes tiennent de petits commerces. Les hommes, eux, vendent plutôt sur le marché central ou font de petits travaux manuels selon la demande. Les métiers plus qualifiés sont rares car peu de gens sont allés au bout de leur scolarité et ont eu la chance de faire des études et d’avoir un diplôme. Beaucoup de jeunes sont sans travail. Assis au bord de la route, ils passent la journée à mendier. Ce n’est pas toujours parce qu’ils ne trouvent pas de travail mais souvent parce qu’ils manquent de motivation et de confiance en eux. D’autres par contre s’en sortent bien avec de la patience, de la bonne volonté et des projets d’avenir en tête.
L’un des gros problèmes à Maroua, c’est la pollution, en partie due à l’absence de poubelles dans les rues. Les gens ont pris la mauvaise habitude de tout jeter par terre, ce qui fait qu’il y a constamment des montagnes de déchets au bord des routes, en attente d’être transportés vers les déchetteries de la ville (un peu similaires à nos anciennes déchetteries: tout est jeté à même le sol).
Malgré cela Maroua est une ville agréable à vivre et que j’apprécie beaucoup. La chaleur humaine et l’accueil de ses habitants ne me laisse pas indifférente. S’il est vrai que certains m’agacent parfois quand ils me surnomment « nassara » (le blanc, la blanche, dans le sens de « ceux qui ont vaincu » par rapport à l’histoire de la colonisation), d’autres par contre sont extrêmement accueillants et bienveillants. Beaucoup de commerçants m’ont souhaité une bonne arrivée à Maroua et lorsqu’ils me voient maintenant, ils ne manquent jamais de me saluer dans la rue. Les enfants, eux, me saluent avant même que j’ai eu le temps de les voir arriver. Ils courent derrière moi, m’entourent. Sur le marché, beaucoup d’enfants mendient. Ils passent la journée à marcher, en groupe, tout autour du marché central, avec de petites coupelles en inox dans lesquelles les gens déposent les petites pièces qu’il leur reste à la fin du marché.
Je commence tout juste à me repérer dans les rues. Ici, pas de panneaux ou de noms de rues. Les gens connaissent les quartiers par coeur et il est donc difficile au début de savoir par où aller pour se rendre à un endroit précis. Le seul moyen est de demander un point de repère connu de tous (un magasin, le marché central…). Et pour la moto, il faut connaître le tarif pour aller d’un point à un autre, sinon le conducteur se charge de vous faire payer 3 fois le prix habituel. Dans l’ensemble, les commerçants profitent toujours pour faire payer les blancs beaucoup plus cher que les locaux… Il faut donc bien marchander pour ne pas se faire plumer! Ça fait partie du charme de cette belle ville et du Cameroun en général.
Ma mission se définit petit à petit…
Lors de mon arrivée, c’était encore un peu le flou concernant ma mission. Les renseignements que j’avais pu obtenir sur le travail réalisé par Lara-voyages et la situation touristique dans les villages étaient incomplets. Pour beaucoup de volontaires, il semble difficile d’obtenir des informations authentiques sur les modalités de notre mission avant l’arrivée sur place Les partenaires sont souvent dépassés par les évènements. Ils sont soulagés de savoir que quelqu’un puisse venir les aider mais ne savent pas toujours comment préparer le terrain… A mon arrivée, j’ai donc été surprise d’apprendre qu’un projet de tourisme solidaire avait déjà été mis en place dans un village proche de Rhumsiki, à Douroum. Ce qui est une bonne nouvelle… Le projet a mis 3 ans à se construire. Plusieurs voyages ont déjà été effectués mais le projet n’a pas été conçu de façon très participative. En fait, j’ai l’impression que beaucoup utilisent le terme de tourisme durable et solidaire sans trop connaître les critères auxquels de tels projets se doivent de répondre. Certaines étapes essentielles de suivi, d’évaluation et de programmation n’ont apparemment pas été prises en compte. Mais, à mon avis, cela est principalement dû à un manque de méthodologie.
Actuellement, sur le projet de Douroum, par exemple, la population n’a pas été formée et les dépenses liées à l’activité touristique sont toujours amorties à environ 50% par Lara-voyages et d’autres partenaires du projet qui avaient lancé cette initiative au départ. Aujourd’hui, Lara-voyages et ses collaborateurs souhaiteraient que les villageois puissent gérer de façon autonome l’activité au sein du village. Ils se donnent comme objectif de créer un GIC (groupement d’initiative commune, similaire à nos associations) afin de venir appuyer, conseiller les villageois et faire le suivi du projet sur le long terme. Cela signifie qu’il faut réorganiser le projet de façon à impliquer au maximum les villageois pour qu’ils gèrent l’activité par eux-mêmes, qu’ils prennent les décisions, les initiatives ensemble, qu’ils s’organisent et se partagent les activités.
Autre problème, le village n’est connu que par le « bouche à oreille », l’absence de promotion et de valorisation du projet rendent l’activité faible et peu génératrice de bénéfices pour le village. Il semble donc important de réunir les villageois et de voir avec eux quels pourraient être les différents outils de communication les plus pertinents pour faire la promotion du village au niveau national et international.
A Rhumsiki, où se trouve « la maison de l’amitié » (une auberge gérée par Lara-voyages), le tourisme existe depuis des années car le village est un site touristique connu pour ses paysages lunaires impressionnants et son sorcier au crabe, qui possède le pouvoir de lire l’avenir. Mais, jusqu’à aujourd’hui, les habitants n’ont jamais bénéficié de retombées liées à cette avtivité. En fait, il y a très peu d’infrastructures d’accueil sur la zone. Il y a encore quelques années, seul un campement géré par l’état était en fonctionnement et les villageois n’étaient absolument pas impliqués dans l’activité.
Aujourd’hui, malgré la présence de l’auberge et de quelques rares hôtels, les voyageurs doivent souvent rebrousser chemin pour pouvoir se loger à Mogodé ou dans les hôtels de Maroua.
Rhumsiki, de par sa forte potentialité touristique, semble aussi un lieu propice à la mise en place d’un projet de tourisme solidaire. Bien sûr, comme pour tout projet de tourisme solidaire, la finalité est de favoriser le développement de la population car le village manque d’infrastructures, de santé notamment, et la vie est difficile pour la population. L’eau est rare dans cette zone et le forage d’un puits coûte très cher. Il n’existe aucun centre de santé à proximité du village alors que la population est très fortement touchée par le palud. Voilà, entre autres, des raisons qui justifient largement la nécessité d’intégrer le tourisme solidaire dans des programmes de développement de la région.
Avec le soutien de Lara-voyages, ma mission sera donc d’intervenir sur ces deux villages pour appuyer, conseiller les villageois et aider à la coordination des projets. Il est essentiel de partir du principe que nous ne devons rien imposer à la population. Ce sont les villageois qui doivent s’organiser avec notre appui et qui doivent s’approprier l’activité touristique. Il faut qu’ils gagnent confiance en eux et qu’ils réalisent qu’ils sont capables de gérer ces projets par eux-mêmes. C’est ce cheminement vers l’autonomisation qui permettra aux villageois de trouver par eux-mêmes et avec les moyens disponibles, grâce au tourisme, des solutions pour construire un avenir meilleur pour eux et les générations futures. Beaucoup de travail donc en perspective!!
Bon courage et un grand merci à vous tous, membres de l’association « Lara-kapsikis », pour votre collaboration et votre soutien dans ce projet de tourisme solidaire.
A bientôt pour la suite des aventures… Bonne journée à tous!
Marthe.